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The Pan African Music Magazine
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Seun Kuti évoque son engagement et les réflexions qui animent son nouvel album Black Times

Juste avant la sortie de son quatrième album, on a rencontré Seun Kuti à Paris. Entretien à suivre en plusieurs volets.


Peux-tu nous parler de la pochette de ce nouvel album. Tu ressembles à « Seun Guevara » !

J’ai essayé de rendre hommage à tout le monde. J’avais le cigare de Che Guevara, le béret de Sankara, des lunettes : le premier œil est celui de Malcom X, le second celui de Lumumba… Je voulais honorer autant de grandes figures qu’il était possible. Je vu que le cigare, ça m’allait bien. Je n’en fume pas, mais en regardant cette photo, je me suis dit que je pourrais me promener avec un cigare à la bouche, juste parce que c’est stylé (il rit…).


Tous ces leaders sont cités dans ta chanson « Last Revolutionary », pourquoi tenais-tu à leur rendre hommage ?

Parce que ces hommes ont été trahis par les élites et les dirigeants africains qui sont au pouvoir aujourd’hui. Le rêve et les idées qui nous ont apporté cette liberté dont nous profitons aujourd’hui ont été trahis par ceux qui ont volé le pouvoir aux grands leaders dont je parlais… Aujourd’hui vous les voyez se pavaner comme des dirigeants démocrates, mais ils ont pris l’Afrique en otage, ils ont volé notre Terre-Mère à ceux qui l’avaient libéré, ils ont foulé aux pieds leurs idées, en préférant la voie capitaliste et libérale, au mépris de la volonté et du bien-être de centaines de millions d’Africains. Regardez, dans tout Lagos je ne crois pas qu’on puisse trouver une avenue ou une rue Kwame Nkrumah, pas même une statue de lui. Dans les écoles, on ne nous parle jamais de Lumumba, Sankara, Sekou Touré, Ben Bella, Abdel Nasser, Malcom X… la liste est longue. Tous ces hommes qui se sont sacrifiés pour nous tous, peuples noirs, sont oubliés. Est-ce ainsi qu’on les remercie ?

Donc je voulais juste leur rendre hommage dans ma musique, et peut-être susciter des conversations sur ces leaders dans l’esprit des Noirs du monde, les jeunes comme les vieux. De sorte qu’on se souvienne des idées qui nous ont libérés, ou qui du moins nous ont offert le peu de liberté que nous ayons aujourd’hui.


Dans cette même chanson, tu dis : « Fela ne s’est pas battu pour rien. »

Je crois que ce qui a fait connaître Fela, c’est son génie musical. Dans le monde entier, il y a pleins de gens qui ont été influencés par sa musique, et certains par ses messages aussi. Mais il y a encore des tas de gens qui n’ont pas compris ce message. Or tout ce qu’a fait Fela, c’était pour que les Noirs du monde entier puissent entièrement comprendre tout ce qui fait notre identité, et dès lors réalisent de grandes choses, en se basant sur des solutions qui nous appartiennent, dans un système qui nous appartient. Je crois que l’héritage de Fela est allé loin, mais il est grand temps que nous soyons attentifs à son message.


Aujourd’hui, d’après toi, qui sont les vrais « révolutionnaires » ? Il chante sa chanson « Last Revolutionary » : ils ne verront jamais disparaître les révolutionnaires…

Aujourd’hui dans ce monde, je crois que chaque personne qui se dresse pour l’équité, qui prend le parti de l’humanité et de la nature, est un(e) révolutionnaire. Les élites qui dirigent le monde sont au bout du compte des gens violents, car la violence est la seule chose qu’ils contrôlent complètement. Mais il leur est impossible de gagner la bataille des idées, donc c’est sur ce front-là qu’il nous faut les combattre, c’est là qu’ils sont faibles. N’écoutons pas leur propagande ou les récits qu’eux-mêmes diffusent, mais laissons plutôt l’humanité juger sur pièces, au vu des résultats concrets du système que ces élites ont mis en place. Il est temps qu’on prenne conscience que 80% des gens sur cette planète ne mangent pas à leur faim, et que c’est bien ce système – dans lequel nous vivons depuis un siècle et demi – qui affame les gens. Les droits de l’homme sont bafoués quotidiennement, au nom de la prétendue sécurité de l’État, etc., etc. Or les gens, partout sur la planète, comprennent ce que cela veut dire que d’être humain, ce que ça veut dire que défendre l’humanité et la nature… et non le profit.


D’où est venu le titre de l’album, Black Times ?

Le titre original devait être « Struggle Sounds » (« sons de lutte ») mais comme notre travail avec Sony n’a pas été jusqu’au bout et que je n’allais plus sortir l’album Struggle Sounds chez Sony, j’ai changé le titre et choisi « Black Times » (qu’on peut traduire par « Le temps des Noirs »). Il incarne aussi l’esprit de l’album. Pour moi c’est une vision du monde, du point de vue de la Terre-Mère et des gens issus de la Terre-Mère (c’est à dire les peuples noirs du monde). Tout l’album est dédié à notre lutte, aux objectifs qui devraient d’après moi être les nôtres, et au destin que nous devrions alors avoir.


Quand vous parlez de Terre-Mère (Motherland), vous parlez de l’Afrique et de sa diaspora ?

Éxactement. La Terre-Mère ce n’est pas seulement le continent, ce sont aussi les gens qui en sont issus. C’est un terme qui ne différencie pas les Africains des autres peuples Noirs. Pour ma part, je rêve d’une Terre-Mère qui représenterait tous les gens qui en sont issus, jusqu’en Australie ! Tiens, il n’y a pas un seul soi-disant « gouvernement africain » qui ait parlé de ce qui se passe en Papouasie de l’Ouest, de ce que subissent les Papous, de leur lutte contre l’oppression indonésienne (ndlr : la Papouasie de l’Ouest est occupée par l’Indonésie depuis 1962). Qui a ouvert la bouche pour en parler ? Personne. Aucun gouvernement africain ne parle de tous ces jeunes gens qui sont tués comme des chiens dans les rues des États-Unis (ndlr : Seun fait allusion ici aux violences policières dont les Noirs sont les premières victimes aux États-Unis). S’il y avait un gouvernement de la Terre-Mère, il comprendrait qu’il a une responsabilité à l’égard de tous ces gens, et leur apporterait un soutien politique quand c’est nécessaire. Mais ça n’arrive jamais, car nos gouvernements sont des gouvernements d’Afrique, et se fichent pas mal des peuples issus de la Terre-Mère.

Lire la suite :  Seun Kuti, la mafia politico-financière et le rêve africain

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